vendredi 5 septembre 2014

Une ancre efficace



L’ancre est au bateau ce que le frein à main est à la voiture…

On n’y pense pas souvent, mais quand ça nous lâche, ça peut faire mal !

 


Aout 2008, Le biloup 77 pointe son étrave dans le goulet du golf du Morbihan.

Destination l’ile d’Arz ou nous comptons débarquer pour manger une glace et passer une nuit au mouillage.

Passé les cochons, nous mouillons devant l’école de voile, il se met à tomber une averse et on rentre vite dès le mouillage terminé.

Le temps de ranger les cirés et de jeter un œil sur la carte, je lève la tête et regarde par le hublot.
Effroi, je ne reconnais plus la zone de mouillage, je bondis dehors et je me rends compte que j’ai, en quelques minutes, traversé la baie et je suis devant Kernoel.

Branles bas de combat, tout le monde sur le pont, je redémarre la babasse, confie la barre à Isabelle et je vais sur l’avant pour remonter le mouillage qui a bourré avec des algues…

L'ancre d'origine
On repart vers l’école de voile et on mouille à nouveau, je rallonge le mouillage et je mets mon alarme de mouillage du GPS.

Quelques minutes plus tard, le Bip Bip se fait entendre, c’est reparti pour la glissade.

Un cata qui a la même ancre que moi subit le même sort…

Je retente deux fois puis j’abandonne, comment laisser le bateau dans ces conditions ?

Nous repartons vers l’ile aux Moines, il reste quelques places sur un ponton flottant.

Je n’ai plus confiance en mon mouillage, de plus on prévoit la Croatie l’année suivante avec quasiment que des mouillages…
 
J'avais déjà remplacé mon ancre plate sur mon Edel 4 par une Delta et ce type d'ancre m'avait donné satisfaction.
C’est décidé : Action.


J’ai un numéro de V&V qui parles des ancres, la MPI Brake me semble pas mal, elle est française en plus.
MPI Brake

Je contact M Arnaud qui m’oriente sur le bon choix (en fait il me dit que la 8 Kg suffit, mais j’ai pris la 12Kg)

Je la reçois quelques jours plus tard (pauvre facteur !), mon bateau est dans son hangar proche de chez moi.

Je la présente et bon, ça ne va pas : elle passe bien dans le davier mais frotte sur l’étrave il faut protéger tout ça.

De plus j’ai un Assy et je voudrais pouvoir monter par l’avant plus facilement, j’en profite donc pour concevoir un bout dehors / marche pied.

Conformément à ma philosophie, la modification devra être avec possibilité de revenir à la configuration d’origine.

-Pour la protection d’étrave, c’est facile : elle existe chez Wrighton pour le 89 mais se monte sur le 77 : dont acte, je la positionne en protection par rapport au point de contact de l’ancre.
 
Protection d'étrave Wrighton
 
Pour le bout dehors, il ne devra pas gêner le passage de l’ancre, il devra être suffisamment solide pour supporter mon poids et la traction du spi, être confortable pour les pieds et utiliser les trous et fixations existantes.

Voilà ce que ça a donné :

-          Les pièces inox ont été découpées au laser sur mes plans

-          J’ai taillé les parties bois (chênes)

-          J’ai renforcé la pièce d’étrave par des contre plaques.

-          J’ai rajouter un anneau de remorquage pris sur la protection d’étrave qui servira du point de tire de la sous barbe.
 


 
 

Petite déception sur l’eau, le bout dehors pique légèrement du nez (pas visible sur remorque)

 

Comment j’ai su que l’avais un frein à main tip top…

 

En Croatie, les mouillages se succèdent sans problème, nous crochons à chaque fois et aucun dérapage à signaler.

Le mouillage se fait avec l’ancre vers le milieu de la baie et une amarre à terre (arbre ou rocher)

 
Le mouillage devant Hvar va nous donner du fil à retordre…

Arrivé à Hvar


Petit crobar pour visualiser.

 
Un gros trawler nous coupe le vent et atténue le courant que l’on sent présent dans cette passe.


Le trawler part le soir et nous voilà brutalement exposé à un coup de vent et un courant assez fort.

Le bateau du Frangin (Océanis 293)  dérape brutalement, nos 2 bateaux étant liés par le va et vient de l’annexe, Tanteal se retrouve tendu comme un arc à retenir les 2 bateaux mais nous évitons la catastrophe car mon ancre n’a pas bougé et a arrêté l’Océanis a quelques mètre du voisin.

 
La suite n’est pas un pique nique ! En fait nous sommes tous sur l’Océanis à l’apéro, le biloup est seul.

Avec les voisins (sympas et efficaces) nous décidons d’une stratégie : on va se poser sur lui à couple avec tous les parre-battes et se déhaler sur l’ancre + moteur pour sortir du traquenard.

Un djeune plonge et rejoint l’annexe.

Les cordages sont tellement tendus qu’il faut les couper au couteau et se reprendre sur d’autres pour laisser filer le bateau sur le flanc de notre voisin.

Une fois fait tout le monde à tribord pour écarter les 2 coques, on ramène l’ancre au guindeau mais elle continue à déraper.

Enfin elle croche de nouveau, l’étrave pivote vers bâbord, gaz et déhalage du voisin, ça y est c’est décollé, pas une égratignure sur les coques.

L’annexe passe me prendre pour me déposer sur Tanteal, il n’a pas bougé, super content !

Nous suivons l’Océanis pour un mouillage plus tranquille

 

Dire qu’on se demandait pourquoi il y avait autant de bout de cordage et de pare batte sur les rives…
La pêche miraculeuse: Cordage et Parre Battes

lundi 1 septembre 2014

Pan sur la quille!


Pan sur la quille

Une chose me console : il y a un dicton qui dit que la quille de PenDuick connait tous les écueils de Bretagne.

Cela dit il y a des évènements qui remettent les pendules à l’heure et qui nous rappelle la modestie.

 

 

14 juillet, il est au environ de minuit, je suis seul à bord à proximité de Trébeurden. Le port ferme dans une ½ heure.
Je reviens de Perros-Guirec après les festivités.
Le temps est calme, un petit vent d’ouest F2 m’a ramené gentiment à la maison, tout va bien à bord.

J’ai un peu flemmardé en route et le port ferme dans pas longtemps, je peux aussi me mettre au mouillage, mais je préfère ce soir là revenir au ponton.

Pas question de passer de nuit par le chenal de Toull Ar Peulven, j’empreinte donc le chenal principal de Toull Ar Men Meulen.

Les instructions sont claires, il faut bien dégager vers le sud avant de prendre l’alignement qui laisse à gauche la bouée rouge Ar Gouderec.
 
L'approche de Trébeurden

Je démarre le moteur, enroule le génois et met le pilote en fonction. Je jette un œil sur mon GPS Portable, je suis sur une échelle assez grande et très proche des traces de mes passages précédents.


Les traces du GPS
Je cale donc mon pilote sur une route parallèle aux anciennes traces, sur une trajectoire tendue au plus court.

Il est temps d’affaler la GV, le vent est tombé, je file a 5 nœuds au moteur.
Je croche mon harnais sur la ligne de vie et j’affale directement la voile du pied de mat, je l’immobilise avec l’araignée.
De retour au cockpit je raccroche le harnais dans le cockpit.

Je m’apprête à reprendre la barre et là, Arrêt buffet.
Un bruit sec, le bateau s’arrête brutalement, je suis projeté contre le roof.
Par reflexe, je mets la main pour ne pas plonger dans la descente ouverte.

Je me relève, le bateau a repris sa route, je mets au point mort, je regarde autour de moi, rien de visible, la lune donne une vision suffisante, je remets les gaz doucement pour reprendre la route et je me précipite en bas : c’est un capharnaüm !, tout ce qu’il y a dans les équipets  a été projeté au fond.

Je regarde dans la cabine arrière et le cabinet de toilette, pas de présence d’eau, je remonte sur le pont et regarde dans le coffre tribord, pas d’eau.

C’est déjà un point positif. Tout a l’air en place sur le pont et dans le gréement, je contrôle ma route sur le GPS, je ne vois rien, c’est incompréhensible sur le moment.

Je remets les gaz et rentre au port 10 mn avant sa fermeture.

Au ponton, avec la torche, je vois un impact sous forme d’une petite trace blanche sur la quille tribord.

J’inspecte les varangues, RAS.

Je suis fatigué, un peu choqué, j’ai mal a la main (je m’en rends compte tout juste) : au lit, demain, il fera jour.

Le lendemain matin debout tôt, je n’arrive pas à dormir, il faut que j’inspecte la quille. Je ne peux plus bouger mes doigts.

Je décide de poser le bateau sur la zone d’échouage à l’extérieur du port.

Sur le sable et de loin, ça va!
Je me mets sur une bouée libre et j’attends la posée (une chance, les coef le permettent), en attendant je range et ramasse les débris des verres qui ont explosé lors de l’impact.

L’inspection me révèle beaucoup plus de dégâts que ce que je pouvais voir a flot.

C’est impressionnant et rassurant à la fois : je comprends pourquoi il n’a pas eu de dégât sur la structure du bateau (ce qu’à confirmé l’expert par la suite)

Pour comprendre, il faut savoir que les quilles du biloup sont moulées avec la coque.

Puis le chantier coule une résine chargée de grenaille galvanisée à l’intérieur des quilles, puis stratifie pour fermer l’opercule.

A l’endroit de l’impact, la quille est vide, la résine sans doute trop visqueuse n’est pas descendue jusque là. Cette portion a fait office de crash box et s’est écrasé en absorbant l’impact sur 10 cm.

La quille s’est ouverte en 2 sur sa partie basse et montre ses entrailles grenaillées.

 
Le bas de la quille s'est ouverte, on voit le lest

Avec un peu de recul

Je téléphone au chantier du coin, le patron passe et examine la coque, il me fera un devis.

Je fais des photos sous tous les angles et je préviens mon assurance qui délègue un expert.
Celui-ci se met en rapport avec le chantier pour l’expertise.

Je retourne chez moi, les vacances sont dans 3 semaines et j’espère que le bateau sera réparé d’ici là…

 
Première semaine d’aout, je rejoins Trébeurden en Famille, Tanteal m’attend sur un Ber, la quille est réparée et l’antifouling a été fait, le chantier a terminé les travaux dans les délais.

Sur Ber
Mise à l’eau dans l’après midi, départ pour Saint Malo…

Satisfaction pour le chantier (Trébeurden Marine Services) et l’assurance (Axa) qui ont tous deux biens fonctionnés…

 

Mais alors, que s’est-il passé cette nuit là ? Un Ofni, un caillou qui traverse sans regarder, un cachalot retord, un sous-marin en plongée périscopique ?

Rien de tout ça, juste un skipper qui a oublié les règles et qui s’en sort bien, on pourrait appeler ça un rappel a la loi !


1) Le rase-cailloux la nuit dans le courant n’est pas une bonne option

Un jour de gros coef. en Bretagne Nord, on est bien vite dépalé par le courant, dans ce cas on passe loin des dangers, bien dans les alignements, a fortiori seul dans la nuit.
Je suis passé au dessus de l’extrémité d’Ar Veskleg qui était encore sous l’eau.
On peut voir le vilain caillou qui dépasse et qui doit en avoir, des traces de gelcoat!


2) Mieux vaut assurer une nuit au mouillage que risquer une nuit au port

Le mouillage de Trébeurden est bien protégé et permet de passer une nuit pas trop agitée, aucune raison de vouloir à tout prix faire le forcing…
Mouillage devant l'ile Dumet
 

3) Maitriser et ne jamais oublier les limites de ses instruments.

Un GPS portable n’est pas très performant au niveau de sa définition, les effets d’échelle font apparaitre ou disparaitre des détails qui peuvent avoir leurs importances.

Un alignement, un secteur de feux restent bien plus précis
 
Voilà les traces sous 3 échelles de zoom différentes, il s'agit bien sûr des mêmes traces chacun peut voir là où ça a tapé...
 
Echelle 0,18 NM, tout va bien

 


Echelle 500 ft, tout va mal

 
Echelle 250 ft, ça confirme: pas bien!
 
 

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