lundi 1 septembre 2014

Pan sur la quille!


Pan sur la quille

Une chose me console : il y a un dicton qui dit que la quille de PenDuick connait tous les écueils de Bretagne.

Cela dit il y a des évènements qui remettent les pendules à l’heure et qui nous rappelle la modestie.

 

 

14 juillet, il est au environ de minuit, je suis seul à bord à proximité de Trébeurden. Le port ferme dans une ½ heure.
Je reviens de Perros-Guirec après les festivités.
Le temps est calme, un petit vent d’ouest F2 m’a ramené gentiment à la maison, tout va bien à bord.

J’ai un peu flemmardé en route et le port ferme dans pas longtemps, je peux aussi me mettre au mouillage, mais je préfère ce soir là revenir au ponton.

Pas question de passer de nuit par le chenal de Toull Ar Peulven, j’empreinte donc le chenal principal de Toull Ar Men Meulen.

Les instructions sont claires, il faut bien dégager vers le sud avant de prendre l’alignement qui laisse à gauche la bouée rouge Ar Gouderec.
 
L'approche de Trébeurden

Je démarre le moteur, enroule le génois et met le pilote en fonction. Je jette un œil sur mon GPS Portable, je suis sur une échelle assez grande et très proche des traces de mes passages précédents.


Les traces du GPS
Je cale donc mon pilote sur une route parallèle aux anciennes traces, sur une trajectoire tendue au plus court.

Il est temps d’affaler la GV, le vent est tombé, je file a 5 nœuds au moteur.
Je croche mon harnais sur la ligne de vie et j’affale directement la voile du pied de mat, je l’immobilise avec l’araignée.
De retour au cockpit je raccroche le harnais dans le cockpit.

Je m’apprête à reprendre la barre et là, Arrêt buffet.
Un bruit sec, le bateau s’arrête brutalement, je suis projeté contre le roof.
Par reflexe, je mets la main pour ne pas plonger dans la descente ouverte.

Je me relève, le bateau a repris sa route, je mets au point mort, je regarde autour de moi, rien de visible, la lune donne une vision suffisante, je remets les gaz doucement pour reprendre la route et je me précipite en bas : c’est un capharnaüm !, tout ce qu’il y a dans les équipets  a été projeté au fond.

Je regarde dans la cabine arrière et le cabinet de toilette, pas de présence d’eau, je remonte sur le pont et regarde dans le coffre tribord, pas d’eau.

C’est déjà un point positif. Tout a l’air en place sur le pont et dans le gréement, je contrôle ma route sur le GPS, je ne vois rien, c’est incompréhensible sur le moment.

Je remets les gaz et rentre au port 10 mn avant sa fermeture.

Au ponton, avec la torche, je vois un impact sous forme d’une petite trace blanche sur la quille tribord.

J’inspecte les varangues, RAS.

Je suis fatigué, un peu choqué, j’ai mal a la main (je m’en rends compte tout juste) : au lit, demain, il fera jour.

Le lendemain matin debout tôt, je n’arrive pas à dormir, il faut que j’inspecte la quille. Je ne peux plus bouger mes doigts.

Je décide de poser le bateau sur la zone d’échouage à l’extérieur du port.

Sur le sable et de loin, ça va!
Je me mets sur une bouée libre et j’attends la posée (une chance, les coef le permettent), en attendant je range et ramasse les débris des verres qui ont explosé lors de l’impact.

L’inspection me révèle beaucoup plus de dégâts que ce que je pouvais voir a flot.

C’est impressionnant et rassurant à la fois : je comprends pourquoi il n’a pas eu de dégât sur la structure du bateau (ce qu’à confirmé l’expert par la suite)

Pour comprendre, il faut savoir que les quilles du biloup sont moulées avec la coque.

Puis le chantier coule une résine chargée de grenaille galvanisée à l’intérieur des quilles, puis stratifie pour fermer l’opercule.

A l’endroit de l’impact, la quille est vide, la résine sans doute trop visqueuse n’est pas descendue jusque là. Cette portion a fait office de crash box et s’est écrasé en absorbant l’impact sur 10 cm.

La quille s’est ouverte en 2 sur sa partie basse et montre ses entrailles grenaillées.

 
Le bas de la quille s'est ouverte, on voit le lest

Avec un peu de recul

Je téléphone au chantier du coin, le patron passe et examine la coque, il me fera un devis.

Je fais des photos sous tous les angles et je préviens mon assurance qui délègue un expert.
Celui-ci se met en rapport avec le chantier pour l’expertise.

Je retourne chez moi, les vacances sont dans 3 semaines et j’espère que le bateau sera réparé d’ici là…

 
Première semaine d’aout, je rejoins Trébeurden en Famille, Tanteal m’attend sur un Ber, la quille est réparée et l’antifouling a été fait, le chantier a terminé les travaux dans les délais.

Sur Ber
Mise à l’eau dans l’après midi, départ pour Saint Malo…

Satisfaction pour le chantier (Trébeurden Marine Services) et l’assurance (Axa) qui ont tous deux biens fonctionnés…

 

Mais alors, que s’est-il passé cette nuit là ? Un Ofni, un caillou qui traverse sans regarder, un cachalot retord, un sous-marin en plongée périscopique ?

Rien de tout ça, juste un skipper qui a oublié les règles et qui s’en sort bien, on pourrait appeler ça un rappel a la loi !


1) Le rase-cailloux la nuit dans le courant n’est pas une bonne option

Un jour de gros coef. en Bretagne Nord, on est bien vite dépalé par le courant, dans ce cas on passe loin des dangers, bien dans les alignements, a fortiori seul dans la nuit.
Je suis passé au dessus de l’extrémité d’Ar Veskleg qui était encore sous l’eau.
On peut voir le vilain caillou qui dépasse et qui doit en avoir, des traces de gelcoat!


2) Mieux vaut assurer une nuit au mouillage que risquer une nuit au port

Le mouillage de Trébeurden est bien protégé et permet de passer une nuit pas trop agitée, aucune raison de vouloir à tout prix faire le forcing…
Mouillage devant l'ile Dumet
 

3) Maitriser et ne jamais oublier les limites de ses instruments.

Un GPS portable n’est pas très performant au niveau de sa définition, les effets d’échelle font apparaitre ou disparaitre des détails qui peuvent avoir leurs importances.

Un alignement, un secteur de feux restent bien plus précis
 
Voilà les traces sous 3 échelles de zoom différentes, il s'agit bien sûr des mêmes traces chacun peut voir là où ça a tapé...
 
Echelle 0,18 NM, tout va bien

 


Echelle 500 ft, tout va mal

 
Echelle 250 ft, ça confirme: pas bien!
 
 

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